Le parcours d'Eva

 Bébé faible prenant difficilement quelques grammes. Régurgitations importantes.

Transfusion à l'âge de 2 mois. Première énigme pour les médecins du service pédiatrique : une hémolyse (chute brutale des globules rouges).

♦ Plusieurs malaises vagaux en quelques mois. Aucune explication trouvée par l'hôpital malgré tous les examens réalisés.

♦ A l'âge de 6 mois, nouvelle hospitalisation d'urgence. Il s'agit cette fois d'une occlusion intestinale. Eva est opérée . Le chirurgien découvre une malformation du mésentère (paroi externe de l'intestin grêle) et un lactobézoard (accumulation de lait en poudre non digéré dans les intestins). On croit avoir enfin trouvé la cause de la santé fragile d'Eva.

♦ A 7 mois et demi : nouvelle occlusion intestinale faisant suite à l'opération qui a entraîné des adhérences. Nous faisons encore un séjour à l'hôpital.

♦ Le système digestif reste perturbé (selles abondantes, à l'aspect boueux, très malodorantes, ballonnements importants).

♦ Le pédiatre pense à une allergie aux protéines de lait. Les analyses sont faites, les résultats ne sont pas convaincants mais on élimine quand même les produits laitiers (Eva a déjà plus d'un an).

♦Les troubles digestifs ne sont pas résolus pour autant mais Eva grandit et prend du poids à son rythme.

♦ Les visites chez le pédiatre sont régulières. On fait une tentative de réintroduction des produits laitiers en milieu hospitalier (aucun changement flagrant n'apparaît).

 Consultation d'un allergologue qui affirme qu'Eva n'est pas allergique aux produits laitiers (peut-être intolérante tout au plus). Encore des avis divergents entre médecins : comment nous y retrouver ?

♦ Les troubles digestifs font partie du quotidien ; selon le pédiatre, le fonctionnement digestif d'Eva est ainsi.

♦ On commence une période d'accalmie. Eva grandit petit à petit, va à l'école, mène une vie normale malgré les ballonnements, les selles abondantes et les douleurs abdominales qui l'obligent parfois à rester longtemps sur les toilettes mais Eva se plaint rarement ; la douleur fait partie de son quotidien.

♦ Eva a maintenant 4 ans. Le pédiatre prend conscience d'un retard staturopondéral. On se prépare pour affronter de nouveaux examens dans un grand CHU avec les mêmes angoisses (peur de faire souffrir Eva, peur des résultats, stress de l'attente des résultats).

♦ Un test de la sueur (fait dans les cas de mucoviscidose) réalisé 9 fois sans résultat.

♦ Les médecins finissent par faire une biopsie du foie, ne parvenant pas à diagnostiquer la mucoviscidose par la voie habituelle. Le résultat est effrayant : on découvre une cirrhose déjà bien avancée. Comment a-t-elle pu passer inaperçue jusqu'alors sachant qu'Eva subissait régulièrement des examens (notamment des analyses de sang) ? Comment les médecins ont-ils pu passer à côté de l'évolution d'une cirrhose ? Je tiens à préciser que, moi, la maman, je n'ai jamais fumé, et lorsque j'ai bu de l'alcool ce n'était qu'occasionnellement et en très petites quantités et jamais pendant la grossesse, mais un pédiatre a malgré tout eu l'audace de me soupçonner de consommer du cannabis ! Cela aurait pu être le cas mais ça ne l'était pas. Cette remarque m'a profondément blessée compte tenu du contexte de la maladie d'Eva.

♦ Pendant 4 ansEva est suivie dans un CRCM (Centre Régional Contre la Mucoviscidose). Les traitements donnés classiquement pour freiner l'évolution de la maladie ne sont pas particulièrement efficaces surtout sur le plan digestif (ballonnements, douleurs abdominales, selles abondantes et grasses malgré la prise du Créon*1). Nous prévenons les médecins des troubles qui persistent. Le pneumologue continue à traquer une pathologie au niveau pulmonaire, mais à 4 ans, Eva ne présente pas d'affections respiratoires.

♦ Le gastroentérologue n'est pas particulièrement attentif à nos alertes concernant les troubles digestifs d'Eva. Pendant ce temps, l'évolution de l'atteinte hépatique progresse et nous découvrons grâce aux médecines complémentaires que, lorsque le foie est trop surchargé, les toxines se propagent vers les poumons. Eva commence à présenter des troubles respiratoires.

♦Nous évoquons une éventuelle intolérance au gluten. Le gastroentérologue nous répond : "Elle en a déjà assez, on ne va pas lui en rajouter".

En l'espace d'un an, un staphylocoque doré apparaît dans l'analyse des sécrétions pulmonaires. Aucun médecin ne semble préoccupé par le fait que la contamination ait pu se faire lors des examens à l'hôpital. Il faut préciser que les enfants inhalent un produit avant l'EFR (examen pour mesurer la capacité respiratoire). Le flacon sert à plusieurs enfants même si l'embout est changé à chaque fois.

♦ En janvier 2014, Eva a 7 ans et demi. Elle est à nouveau hospitalisée d'urgence pour des vomissements et douleurs abdominales. Nouvelle occlusion intestinale très importante qui nous oblige à un autre séjour à l'hopital.

♦ Décembre 2014. Eva est hospitalisée pour un oedème. En arrivant au service de soins intensifs, aucun médecin ne pense qu'Eva est en train de décompenser (développer un oedème généralisé à cause d'une grave atteinte hépatique). Les médecins optent pour les oreillons ou un autre virus. Plusieurs examens sont réalisés dont un scanner. Le produit injecté pour le scanner bloque la fonction rénale d'Eva ; l'oedème s'étend aux poumons et au cerveau. Eva décède dans les heures qui suivent.

La médecine n'est bien évidemment pas une science exacte, mais avec tous les moyens dont elle dispose aujourd'hui, il est légitime de se demander pourquoi il y a autant d'erreurs de diagnostic, autant de contradictions entre les avis médicaux.

Ainsi, Eva a été suivie pendant 4 ans pour une mucoviscidose. Aujourd'hui, nous savons, grâce au médecin rencontré en Suisse, que ce n'était pas la mucoviscidose, malgré tous les symptômes qui pouvaient le faire croire. Ce que nous déplorons, c'est que les médecins aient refusé d'élargir leur champ de vision et ne puissent pas comprendre qu'on peut être porteur de gènes qui ne sont pas actifs, ce qui était le cas pour Eva concernant les gènes de la mucoviscidose.

Aujourd'hui d'autres enfants sont certainement traités à tort pour une mucoviscidose qui n'en est pas une.

 

*1 : médicament donné dans les cas de mucoviscidose avec atteinte hépatique, afin d'améliorer l'absorption des graisses